Moyens de communication ultra-limités et conditions de vie extrêmes font de la Mini-Transat une course au large atypique et singulière. Une course qui se raconte après coup. Qui doit être digérée et analysée, refaite inlassablement entre concurrents jusque tard dans la nuit.
Quelques jours après l’arrivée de cette première étape, la nécessité de trouver les mots pour partager cette expérience extraordinaire se fait bien sentir. Cette course est un rêve ancré en moi comme une seconde nature et vous êtes nombreux à m’avoir permis de le concrétiser aujourd’hui et de le vivre pleinement.
A vous tous, MERCI.
Pour lire la première partie de ce récit, c'est ici !
Passage du Raz de Sein aux trousses de Vincent Grison (679) - Crédit photo : Jacques Vapillon
[...] De retour dans le top 10 au Raz de Sein, la mésaventure du départ est oubliée et nous attaquons la première partie du parcours en direction du Cap Finisterre. Nos routages (j’en profite pour remercier Christian Dumard et Tanguy Le Glatin pour le précieux partage de leur expertise dans ce domaine) nous donne pour objectif de gagner « au mieux » dans l’ouest pour aller chercher l’arrivée d’une dépression, et particulièrement le passage d’un premier front froid en cours d’occlusion derrière lequel nous retrouverons un peu de vent pour pouvoir progresser vers le sud.
En clair, nous naviguons dans un vent erratique d’à peine quelques nœuds, et la pression est répartie de façon aléatoire sur le plan d’eau. Moralité : il ne faut pas s’emballer quand on dépose un adversaire sur place en partant avec une risée ou quand au contraire, on semble être le seul bateau arrêté sur le plan d’eau. Nerveusement, je vis bien ce passage, je sais pertinemment qu’hormis m’appliquer à faire du mieux possible pour faire avancer le bateau sur une trajectoire cohérente, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire…
Nous progressons par à-coups vers l’ouest et assez vite je me retrouve au coude à coude avec mes partenaires d’entrainements : Davy Beaudart (865), Clément Bouyssou (802) et Frédéric Denis (800).
Pétole molle... - Crédit photo : Jacques Vapillon
Nous arrivons sous le front et déclenchons les virements de bord pour faire route vers le sud le lundi vers 3 h 00 TU, après 36 h de course. En sortie de virement la photo n’est pas des plus flatteuses pour moi : quelques adversaires comme Ludovic Méchin (667), Luke Berry (753) ou encore Nicolas Destais (630) profitent d’un virement un peu plus tôt ou d’un petit décalage dans mon sud-est pour revenir dans le match. Les écarts sont très faibles et j’ai bon espoir que mon placement au vent de la flotte portera ses fruits quand le vent adonnera et que nous pourrons ouvrir les voiles tout en faisant route directe.
Gennaker sur le pont, je ronge mon frein, le premier à dégainer prendra un coup d’accélération certain et grappillera inévitablement quelques précieuses longueurs à ses adversaires directs. Après quelques sérieux appels à droite, le gennaker est à poste et le bateau accélère… La rotation est nettement plus franche que ce à quoi je m’attendais et au final, je suis sous-toilé. Je décide de rouler le gennaker et de rabattre le bout-dehors pour l’affaler afin de renvoyer un code 5. Quelques heures plus tard, le vent est bien rentré et nous repassons sous gennaker avant même de finir sous foc à la nuit tombante.
Le bilan de cette journée est plutôt positif, Fred sur le 800 s’est un peu échappé mais nous sommes un bon petit groupe d’énervés (802, 753, 667, 630…) à sa poursuite, et nous passons notre temps à nous comparer… Le choix de rouler le gennaker avant le crépuscule était vraisemblablement une erreur mais nous permettra de passer une nuit des plus reposantes. Un aspect non négligeable à la veille du contournement du Cap Finisterre prévu au menu du mardi 22 septembre, qui nous demandera beaucoup d’attention et de concentration.
La difficulté du contournement de la pointe nord-ouest de la péninsule ibérique avec ce secteur de vent est la présence d’une zone tampon (sans vent) le long de la côte. Cependant, plus nous nous rapprochons de la côte, plus la route est courte… Dans un premier temps je vois revenir mes adversaires directs décalés un peu dans mon nord-ouest, j’ai peut-être été un peu trop gourmand en voulant raccourcir la route… Très vite la force du vent s’homogénéise et je bénéficie d’un angle un peu plus lofé me permettant d’accélérer légèrement. Le bilan semble alors assez neutre.
Cap au Sud ! - Crédit photo : Christophe Breschi
A noter lors de cette dernière nuit le retour dans notre paquet de Simon Köster (888), redoutable régatier Suisse qui navigue sur une usine à gaz à nez rond, directement inspiré de la réussite des plans Raison (747 et 865 de Davy Beaudart).
A ranger dans le chapitre « Faits Divers », l’apparition à plusieurs reprises du dos d’un cétacé à seulement une petite quinzaine de mètres à mon vent. Plus loin, d’autres grosses bêbêtes font acte de présence. C’est la première fois que j’en vois d’aussi près en mer et, passé le dixième de seconde d’émerveillement et de bonheur total, je me colle une bonne frousse en réalisant à quel point nous ne sommes que peu de chose sur nos petites coques de noix au milieu de ce grand océan…
Après trois jours de course, nous entamons le tronçon principal de cette étape en direction de Lanzarote aux Canaries, 900 milles devant les étraves… et théoriquement que du portant !
La suite au portant ! - Crédit photo : Jacques Vapillon
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